Chronique radiophonique sur RFI du 8 décembre, publiée par A40-45 le 11 décembre 2023 Le dérèglement climatique et les migrations
Avec de fréquents jours de chaleur affichant des températures maximales quotidiennes supérieures à 50°C, le climat pourrait changer de manière si radicale que certaines parties de l’Afrique du Nord deviendraient inhabitables pour certaines espèces, y compris pour les êtres humains.
En Afrique de l’Ouest aussi, les projections climatiques font apparaître une forte hausse de la moyenne des températures, de leur variabilité et de leurs extrêmes. Ce réchauffement est une constante ferme des projections sur le changement climatique, même si l’amplitude, qui va de + 3°C à + 7°C, dépend du modèle et du scénario d’émissions. »
Parmi les nombreuses conséquences des changements climatiques, celle de l’émergence d’une nouvelle catégorie de migrants, des personnes qui devront quitter leurs localités de résidence devenues invivables. Quel rapport entre le changement climatique et les implications possibles pour les mouvements migratoires entre l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique du Nord ?
Le changement climatique et ses effets multiples, complexes et inégaux sur chacune des régions de la planète viennent ajouter un facteur d’incertitude supplémentaire sur les perspectives de la mobilité humaine au cours des prochaines décennies.
Cet article fait partie d’une collection de contributions publiées par le think tank américain Carnegie Endowment for International Peace sur le changement climatique et la vulnérabilité au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Les autres textes portent sur le Liban, l’Arabie saoudite, l’Iraq, la Jordanie, la Palestine, l’Égypte, la Tunisie et la Libye. Tous ces pays comptent parmi les plus exposés aux effets du changement climatique, notamment la montée en flèche des vagues de chaleur, la diminution des précipitations, les sécheresses prolongées, l’intensification des tempêtes de sable et des inondations, et l’élévation du niveau de la mer.
Vous avez examiné les prévisions des experts sur les effets des changements climatiques en Afrique de l’Ouest et en Afrique du Nord. Que disent-elles ?
Les prévisions en matière de climat n’établissent pas des certitudes, mais les travaux des scientifiques convergent sur des évolutions très probables qui sont en fait déjà à l’œuvre. En Afrique du Nord, tous les modèles climatiques prévoient une forte augmentation des vagues de chaleur. Si le réchauffement de la planète atteint +4°C, on estime que certaines régions, comme en Algérie, pourraient voir leur température d’été moyenne augmenter de +8°C d’ici à la fin du siècle. Une diminution des précipitations, les pluies dans le langage commun, est prévue dans de grandes parties de l’Afrique du Nord.
Avec de fréquents jours de chaleur affichant des températures maximales quotidiennes supérieures à 50°C, le climat pourrait changer de manière si radicale que certaines parties de l’Afrique du Nord deviendraient inhabitables pour certaines espèces, y compris pour les êtres humains.
En Afrique de l’Ouest aussi, les projections climatiques font apparaître une forte hausse de la moyenne des températures, de leur variabilité et de leurs extrêmes. Ce réchauffement est une constante ferme des projections sur le changement climatique, même si l’amplitude, qui va de + 3°C à + 7°C, dépend du modèle et du scénario d’émissions.
Vous dites dans cet article que les évolutions climatiques et leurs impacts sur ces deux régions africaines sont assez proches. Selon vous, la différence probable proviendra des capacités d’adaptation relatives des pays d’Afrique du Nord et d’Afrique de l’Ouest ?
Oui et cela ramène à l’impulsion donnée par les États en termes de politiques publiques, de développement des infrastructures et des compétences pour favoriser une adaptation rapide et efficace. Les perspectives économiques, politiques et sécuritaires dans les deux régions pendant les décennies à venir seront au moins aussi déterminantes que les manifestations du changement climatique comme facteurs déclencheurs des mouvements de population au sein de chaque pays, vers les pays voisins ou plus loin, dans une autre partie du continent ou vers un autre continent.
Les évolutions démographiques seront aussi un facteur déterminant de l’ampleur et de la direction des migrations africaines à venir. Les effets négatifs attendus des changements climatiques affecteront quelques centaines de milliers de personnes ou quelques dizaines de millions de personnes, en fonction des zones qui seront les plus affectées et de la masse des populations qui y habitent. Les données démographiques comparatives de l’Afrique du Nord et de l’Afrique de l’Ouest pourraient donc être un élément majeur des perspectives de migrations entre ces deux régions.
Les tendances climatiques et leurs impacts économiques tout comme les tendances démographiques plaident pour une anticipation d’une accélération de la mobilité et pour une gestion politique concertée de cette mobilité au bénéfice des pays d’Afrique du Nord comme de ceux du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest. On en est loin pour le moment. Il n’est pas inutile de rappeler que tous ces pays sont membres de l’Union africaine qui promeut en principe la libre circulation des personnes au sein du continent.
► Pour aller plus loin :
– Climate Change and Vulnerability in the Middle East, Carnegie Endowment for International Peace
– Quels sont les futurs scénarios climatiques en Afrique du Nord et en Afrique de l’Ouest ? Benjamin Sultan – Urbanisation et démographie en Afrique du Nord et de l’Ouest, 1950-2020
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